BRUXELLES Depuis la naissance de sa fille Émilie, cinq ans, il a pris, en tout et pour tout, trois mois de congé. “J'ai construit une grande terrasse derrière ma maison. Moi-même. J'ai scié, cloué. Y'a rien à faire, je ne peux pas m'empêcher de travailler. Je suis vraiment workaholic. C'est plus fort que moi”, dit-il en référence à une des chansons de son dernier album. Oui, mais c'est un peu court, jeune homme, comme explication…
“C'est vrai, je suis vraiment comme ça. Quand je ne suis pas sur scène ou en studio, je ne suis pas inactif pour autant. L'année dernière, par exemple, on pourrait croire que je n'ai pas fait grand-chose, juste une chanson avec Marilou. Mais en fait, je me suis occupé de mes restaurants, à Montréal. J'ai des réunions tout le temps.” Ce que lui reproche d'ailleurs la petite Émilie qui, de l'autre côté de l'océan, trouve que son papa s'ennuie moins d'elle qu'elle de lui.
“Je lui parle plusieurs fois par jour au téléphone, mais elle est à un âge ou on n'aime pas bien ça.” Alors, quand il la serre dans ses bras, Garou se rend compte que le temps est relatif et que ce après quoi l'on court n'a peut-être pas toujours sa raison d'être. “Quand je reviens à la maison, on ne se lâche plus. Ce temps-là devient plus qualitatif…”
Le temps, parlons-en, de ce traître qui vous glisse entre les doigts, vous laissant au front quelques rides de plus. Le Québécois en a fait son thème, pour ce troisième album solo. “Je vais te raconter l'anecdote parce qu'elle me fait trop marrer. Tout ça, c'est la faute à Jacques Veneruso. Sur mon premier album, il a écrit Sous le vent et Je n'attendais que vous. On avait juste fini et le voilà qui débarque avec une autre chanson. C'était Passe ta routequi est devenue la première de l'album suivant. Ensuite, alors que j'étais en train de finir l'album Reviens, Jacques, encore lui, débarque avec Le temps nous aime. Cette chanson, je l'ai depuis trois ans. Les autres sont venues se greffer dessus. Mais c'est un concept tellement large, le temps, qu'il permet d'aborder plein de sujets.”
Cet album, enregistré pour moitié à Paris et pour moitié à Montréal, s'est fait le plus naturellement du monde. “À l'image de ce que je suis dans la vie : spontané, très expressif, agréable”, dit-il en rigolant. “C'est bien simple, tout le monde avait l'impression de travailler sur des maquettes !”
Au total, ce sont pas moins de 158 chansons que le natif de Sherbrooke a reçues pour alimenter cette nouvelle galette. Et alors que d'ordinaire il peine à n'en sélectionner qu'une quinzaine, là, les choix se sont faits très facilement. “Je voulais, pour prolonger le concept du temps, qu'il y ait douze morceaux pour les douze heures du cadran. Ça a marché tout de suite : je n'avais pas envie d'en ajouter, ni d'en supprimer.” Côté emballage aussi, Garou a tenu à soigner son produit. C'est sur un dual disc, comprenez un disque réversible, avec CD d'un côté et DVD de l'autre, qu'il a pressé pour la postérité ses douze chansons, deux clips et un petit film. Dans une jolie boîte dont le mécanisme rappelle, une fois encore, celui d'une pièce d'horlogerie. Histoire d'en mettre plein la vue ?
“Non. C'est parce que j'aime bien et que je ne sais pas jusqu'à quand ça va exister, ces supports. J'ai eu beaucoup plus carte blanche sur cet album, c'est le privilège de la crédibilité de l'artiste. Moi, je suis de ceux qui pensent que le format virtuel va prendre le dessus.”
Pour le titre de l'album, par contre, “je ne me suis pas foulé, hein ? En fait, il y avait trop de chansons qui auraient pu le faire, Viens me chercher, ça aurait été super, non? Tu l'imagines dans les bacs ? Je suis le même, ça faisait un peu bateau, non ? Même par amour, ça aurait pu être joli. Finalement, ce sont mes producteurs qui m'ont dit Mais pourquoi tu l'appelles pas simplement Garou. C'est tellement toi, cet album.” De fait?: spontané, très expressif et agréable.